4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 08:22

Menacé de destruction par la volonté du parti majoritaire turc AKP et de la municipalité d’Istanbul, le parc Gezi d’Istanbul avait été occupé pendant plus de quinze jours par des manifestants de la société civile dénonçant l’autoritarisme du Premier ministre, le recul des libertés individuelles et publiques, l’usage constante de la violence – laquelle fut effectivement employée contre eux durant la nuit de terreur du 15 juin. La réaction du pouvoir n’avait pas attendu la décision des tribunaux sur la légalité de la décision de destruction.

La veille de la répression implacable des manifestants, le Premier ministre Erdogan avait déclaré devant ses partisans que son gouvernement islamo-conservateur respecterait la décision finale de la justice dans ce dossier. A l’époque, il connaissait cette dernière, rendue dès le 6 juin par la 1ère Cour administrative : elle avait justifié son annulation, susceptible d'appel selon certains observateurs, par le fait que la "population locale" n'avait pas été consultée sur ce projet. Ce qui était bien le problème et avait justifié l’occupation pacifique du jardin mitoyen de la grande place de Taksim.

Plusieurs journaux turcs ont rapporté hier mercredi l’information.

La Cour a argumenté son jugement par le fait que "le plan directeur du projet viole les règles de préservation en vigueur et l'identité de la place et du Parc Gezi" qui la borde, selon le jugement cité par les quotidiens Zaman et Hürriyet.

Le collectif "Solidarité Taksim" qui représente les manifestants et est composé notamment des chambres d'urbanistes et d'architectes, a vivement salué le jugement de la Cour, affirmant que celle-ci a conclu que le "projet de caractère illégal n'est pas d'intérêt public".

"Cette décision a prouvé la légitimé de la lutte menée par notre peuple", indique un communiqué du collectif. "La légitimité du combat le plus massif de l'histoire de notre peuple pour la démocratie, la cité et les droits de l'homme a été confirmé une nouvelle fois par une décision de justice", souligne le texte.

Selon des estimations de la police, quelque 2,5 millions de personnes sont descendues dans la rue de près de 80 villes pendant trois semaines pour exiger la démission de M. Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir "islamiser" la société turque.

Ces manifestations sans précédent ont fait quatre morts et près de 8.000 blessés, selon l'Association des médecins.

(avec l’AFP). 

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 01:03

 

Mouvement social et violences d’Etat en Turquie

28 Mai - 28 Juin 2013

 

Réunion d’information & Table ronde

Vendredi 28 juin, 17h-20h45

 

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 

105 boulevard Raspail, 75006 Paris

 

 

Organisé par le GIT

Groupe international de travail « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie »

 

en partenariat avec :

Le Collectif pour les droits de l’homme en Turquie - Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (L’ACORT), l’Assemblée européenne des citoyens (AEC-HCA France), Amnesty International France (AIF),  et la Ligue des droits de l’Homme (LDH-FIDH)

 

 

            Depuis le 27 mai 2013, la défense du parc Gezi à Istanbul, menacé de destruction par le pouvoir AKP, donne lieu à une vive résistance inédite, civile, pacifique, multiforme, populaire et créative. Ce vaste mouvement social a constitué durant plus de deux semaines une expérience démocratique de premier plan qui a pris fin dans la nuit du 15 juin, dans un déluge de gaz lacrymogènes et de violence policière, faisant 7 000 blessés et trois morts, sans compter les très nombreux cas d’arrestations et de violations des droit fondamentaux. Cette répression massive, dont il faut rendre compte et qu’il faut documenter, ne parvient pas à supprimer un mouvement qui s’adapte et se renouvelle en permanence. Une manière nouvelle d’organiser la vie commune génère des formes d’expressions inédites, permettant à tout en chacun de redéfinir son appartenance à la société : une demande d’autonomie partagée se fait jour dans la rencontre des diversités, accompagnée d’un rejet obstiné de toute forme de violence. Le caractère profondément novateur du mouvement social actuel, ainsi que l’ampleur de la répression policière dont il est victime, appellent l’analyse pluridimensionnelle des sciences sociales. Dans cette perspective, nous invitons tous les chercheurs et les amis de la Turquie à une réunion d’information et à une table ronde, tenues un mois exactement après le début du mouvement.

 

 

            17h : Ouverture (Vincent Duclert, EHESS)

 

            Première session : Que s’est-il passé entre le 27 Mai et le 27 Juin ?

            Modérateur : Vincent Duclert

 

17h10 : Ferhat Taylan (Collège international de Philosophie). « La chronologie des événements et la présentation des faits de violations des droits à l’appui des photos »

            17h40 : Johann Bihr, Responsable du Bureau Europe des Reporters Sans Frontières : « Harcèlement des journalistes et liberté de presse »

            17h50 : Claude Edelmman,  Coordinateur Turquie d’Amnesty International et président du Collectif pour les droits de l’Homme en Turquie

            18h00 : Pierre Tartakowsky, président de Ligue des droits de l'homme

 

 

            18h10 : Débat                                                                        

 

            18h45 : pause

 

 

            Table ronde : Comprendre le soulèvement, penser l’avenir

            19h-20h45

 

            Modérateur : Hamit Bozarslan

 

            Avec la participation de 

 

           

Hamit Bozarslan (EHESS)

Vincent Duclert (EHESS)    

Benjamin Gourisse (EHESS)

Gulcin Lelandais (CNRS)

Emine Sarikatal (Université Paris Ouest)

 

Et Howard Eissenstat (St Lawrence University) : “The Gezi Protests: A Pessimistic Assessment and a Strategy Going Forward” (en anglais)

 

           

20h15 -20h45 : Débat

 

 

 

Conclusions : Ferhat Taylan

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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 22:17

 

 

Mouvement social et violences d’Etat en Turquie

28 Mai - 28 Juin 2013

 

Réunion d’information & Table ronde

Vendredi 28 juin, 17h-20h45

 

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 

105 boulevard Raspail, 75006 Paris

 

 

Organisé par le GIT

Groupe international de travail « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie »

 

en partenariat avec :

Le Collectif pour les droits de l’homme en Turquie - Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (L’ACORT), l’Assemblée européenne des citoyens (AEC-HCA France), Amnesty International France (AIF),  et la Ligue des droits de l’Homme (LDH-FIDH)

 

 

 

            Depuis le 27 mai 2013, la défense du parc Gezi à Istanbul, menacé de destruction par le pouvoir AKP, donne lieu à une vive résistance inédite, civile, pacifique, multiforme, populaire et créative. Ce vaste mouvement social a constitué durant plus de deux semaines une expérience démocratique de premier plan qui a pris fin dans la nuit du 15 juin, dans un déluge de gaz lacrymogènes et de violence policière, faisant 7 000 blessés et trois morts, sans compter les très nombreux cas d’arrestations et de violations des droit fondamentaux. Cette répression massive, dont il faut rendre compte et qu’il faut documenter, ne parvient pas à supprimer un mouvement qui s’adapte et se renouvelle en permanence. Une manière nouvelle d’organiser la vie commune génère des formes d’expressions inédites, permettant à tout en chacun de redéfinir son appartenance à la société : une demande d’autonomie partagée se fait jour dans la rencontre des diversités, accompagnée d’un rejet obstiné de toute forme de violence. Le caractère profondément novateur du mouvement social actuel, ainsi que l’ampleur de la répression policière dont il est victime, appellent l’analyse pluridimensionnelle des sciences sociales. Dans cette perspective, nous invitons tous les chercheurs et les amis de la Turquie à une réunion d’information et à une table ronde, tenues un mois exactement après le début du mouvement.

 

 

            17h : Ouverture (Vincent Duclert, EHESS)

 

           

Que s’est-il passé entre le 27 Mai et le 27 Juin ?

           

Modérateur : Vincent Duclert (EHESS)

 

17h10 : Ferhat Taylan (Collège international de Philosophie). « La chronologie des événements et la présentation des faits de violations des droits à l’appui des photos »

            17h50 : Johann Bihr, représentant de Reporters sans Frontières. « Harcèlement des journalistes et liberté de presse »

            18h05 : Claude Edelmman,  Coordinateur Turquie d’Amnesty International et président du Collectif pour les droits de l’Homme en Turquie

 

            18h20 : Débat                                                                        

 

            18h50 : pause

 

Table ronde. Comprendre le soulèvement, penser l’avenir

 

            19h-20h45

 

            Modérateur : Hamit Bozarslan (EHESS)

 

            Avec la participation de 

 

           

Hamit Bozarslan (EHESS)

Vincent Duclert (EHESS)    

Benjamin Gourisse (EHESS)

Gulcin Lelandais (CNRS)

Emine Sarikatal (Université Paris Ouest)

 

Et Howard Eissenstat (St Lawrence University) : “The Gezi Protests: A Pessimistic Assessment and a Strategy Going Forward” (en anglais)

 

 

            20h15 -20h45 : Débat

 

 

Conclusions : Ferhat Taylan (Collège international de Philosophie)

 

 

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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 10:42

Le vertige autocratique d’Erdoğan

 

The Lost Legitimacy of Turkey’s Prime Minister

 

 

Pétition publiée par Libération, vendredi 21 juin 2013, p. 17 (« Rebonds »)

 

 

http://www.liberation.fr/monde/2013/06/20/le-vertige-autocratique-d-erdogan_912523  

 

 

Pour signer la pétition, envoyer vos noms et qualités au Groupe international de travail (GIT) « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie » :

 

 

Published by the newspaper Libération, June 21 2013

 

If you would like to sign, please send name and academic titles to

 

  

 

 

La nuit du 15 juin 2013 restera dans l’histoire de la Turquie comme le moment d’un  basculement tragique, quand les forces de police ont fait preuve d’une violence déchaînée contre les nombreux manifestants pacifiques d’Istanbul. Aux scènes désormais habituelles de nuages de gaz lacrymogènes, de centaines de blessés et de nombreuses arrestations, s’ajoutent maintenant des violations du droit qui ne seraient pas tolérées en état de guerre : le bombardement de gaz dans des espaces fermés, jusque dans les appartements privés et les hôtels touristiques, des hôpitaux pris d’assaut, des centres médicaux mobiles attaqués, des blessés et des médecins arrêtés, des journalistes harcelés, de nombreux cas de brûlures de peau signalés à la suite de l’emploi de substance chimique dans les canons à eau.

En plus de cette violence d’Etat, massive et systématique, les manifestations pacifiques sont sous la menace des partisans du parti AKP, prêts au combat de rue, instaurant une ambiance de guerre civile dans les quartiers les plus centraux d’Istanbul. Pourtant, depuis 19 jours, le parc Gezi témoignait d’une expérience singulière de démocratie, où la société civile était présente dans toute sa variété : ainsi, les organisations d’architectes et d’urbanistes qui s’opposaient dès le début à la politique urbaine dévastatrice du Premier ministre Erdoğan et du maire d’Istanbul ont côtoyé les associations d’étudiants ou de féministes, tout comme les habitants mêmes des quartiers populaires menacés de destruction. Il est faux d’affirmer, comme le font certains correspondants de presse, que cette multitude inouïe et populaire ne serait qu’une réaction kémaliste et nationaliste, même si celle-ci a été rejointe par de nombreux groupes d’opposition.

Au lieu d’écouter les citoyens protestant avant tout contre sa manière de plus en plus autoritaire de gouverner, demandant tout simplement de participer aux décisions concernant leur espace et mode de vie, Erdoğan a choisi dès le début de les mépriser et de leur forcer la main. Alors que depuis son dernier mandat, l’AKP ne cesse d’attaquer le champ des libertés individuelles et sociales, le Premier ministre préfère la provocation, en qualifiant les manifestants de voyous, d’ivrognes et de terroristes. Or, la société civile manifeste depuis des semaines son indignation envers les violations répétitives de ses droits : le parc Gezi ne fut qu’une étincelle, tant les citoyens de Turquie se sentent ignorés, méprisés et attaqués par le pouvoir actuel, le Premier ministre en tête. La place Taksim interdite aux manifestations politiques et surtout à la célébration du 1er Mai sous prétexte de travaux, les arrestations massives visant à criminaliser toute forme d’opposition, les massacres d’Uludere et de Reyhanlı aucunement élucidés, les principaux droits civiques remis en question (dont le droit à l’avortement), les atteintes multiples à l’environnement, à la culture et à la pluralité des modes de vie avaient déjà créé une atmosphère d’indignation légitime.

Refusant un tel climat de répression, les citoyens de la Turquie sont sortis massivement dans la rue et ont affronté sans armes les blindés de la police. Comment qualifier un gouvernement qui a tiré plus de 150 000 grenades de gaz en deux semaines sur ses propres citoyens, blessant plus de 5 000 d’entre eux et en tuant au moins trois, déclarant désormais que tout manifestant allant sur la place Taksim sera tenu pour un terroriste – comme l’a annoncé M. Egemen Bağış, ministre des Affaires européennes – ? Que dire du nouveau projet de loi proposant d’étendre le champ d’action des services secrets qui seraient autorisés à procéder à des arrestations sans l’aval du juge, alors que ce même gouvernement se vantait d’avoir ôté à l’armée ses privilèges sécuritaires ? Comment continuer à prendre comme partenaire légitime un gouvernement qui déclare ouvertement qu’il ne reconnaît plus les décisions du Parlement Européen et qui ne respecte plus les traités internationaux qu’il a signés ? De quelle démocratie parle-t-on dans un pays où les médias sont contraints au silence ; les journalistes tout simplement chassés de leur poste, ou s’infligeant une autocensure de peur de l’être, et les Turcs obligés de regarder les chaînes internationales pour suivre les événements qui se déroulent dans leur propre pays? Dans quel Etat de droit les forces de police arrêtent-elles les avocats contestataires à l’intérieur même du palais de justice et mettent en garde à vue des médecins parce qu’ils ont secouru dans l’urgence hommes et femmes blessés dans les affrontements avec la police ? De quelle légitimité ce gouvernement peut-il encore se prévaloir, lorsqu’il empêche de force, le dimanche 16 juin, le rassemblement des manifestants à Taksim, tandis que la mairie d’Istanbul mobilise massivement ses moyens de transport pour amener gratuitement les partisans de l’AKP au meeting de leur chef ?

Face à la paranoïa de M. Erdoğan qui voit des espions étrangers et des complots internationaux partout où son peuple défend pacifiquement ses droits (les vendeurs de bière, les étudiants Erasmus, la « finance internationale », le « lobby juif » et les médias occidentaux qui diffusent librement les informations concernant la violence policière seraient responsables d’organiser les manifestations de centaines de milliers de personnes), la communauté internationale doit agir sans tarder. Le gouvernement de M. Erdoğan perd de sa légitimité à chaque manifestation de la violence policière, à chaque violation des conventions ou des traités internationaux. Tous les amis de la Turquie libre et démocratique doivent agir aux côtés de la société civile de ce pays pour que le vertige autocratique d’Erdoğan n’engendre pas une dictature de plus au Moyen Orient.

 

 

 

The night of June 15, 2013, when the police showed a raging violence against the many peaceful demonstrators in Istanbul, will go down in Turkey’s history as a tragic tipping point. The repeated scenes of tear gas clouds, thousands injured and numerous arrests, have now been added to recent law violations that would not be tolerated in a state of war: the bombardment of gas in enclosed spaces, such as private apartments and tourist hotels; hospitals and mobile medical centers attacked, in addition to injured and arrested doctors; journalists harassed; and many reported cases of skin burns following the use of chemical agents in water cannons.

 

            Along with this massive and systematic state violence, peaceful demonstrations were threatened by armed supporters of the AKP party who engaged in street-fighting, thereby establishing an atmosphere of civil war in the most central districts of Istanbul. And yet, for 19 days, Gezi Park showed a remarkable experience of democracy where civil society was present in all its variety: organizations of architects and planners who were early opposers of the devastating urban politics of Prime Minister Erdoğan and the mayor of Istanbul rubbed shoulders with student associations, feminists, as well as working class people in the neighborhoods threatened with destruction. It is false to claim, as some press correspondents have done, that this large, unprecedented response by such a multitude of people is only a revolt of Kemalist and extreme nationalist groups, despite the fact that numerous opposition groups joined the cause.

 

Rather than hearing the citizens’ protest – a plea to participate in decisions regarding their space and way of life and a rejection of the government’s increasingly authoritarian way of ruling – Erdogan chose to disregard them and to force their hand. Since its last term, the AKP has continued to attack the scope of individual and social freedoms, and the Prime Minister has preferred to engage in provocation by calling the protesters thugs, drunks and terrorists. However, the civil society has established for weeks its indignation at the recurring violations of its rights: Gezi Park was the breaking point after a long period during which the citizens of Turkey have felt ignored, scorned and attacked by the current government with its Prime Minister at the head. Political demonstrations, especially the celebration of May 1st, were prohibited in Taksim Square under the pretext of renovation work, mass arrests have been carried out in order to criminalize any kind of opposition, the Uludere and Reyhanlı massacres have not been elucidated, major civil rights have been questioned (including the right to abortion), multiple damage to the environment, culture and diversity of lifestyle choices have created an atmosphere of legitimate indignation.

 

In a rejection of this climate of repression, the citizens of Turkey, unarmed, came out massively in the street and confronted armored police. In response to the government’s reaction to this event, we ask: How does one legitimize a government who has launched in a period of two weeks more than 150,000 gas grenades on its own people, injuring more than 5,000 of them and killing at least three, and who is now stating that any demonstrator found in the Taksim Square will be held as a terrorist - as announced by Mr Egemen Bağış, Minister for European Affairs? How is a government legitimate with a new bill proposing to extend the scope of the secret services who are already authorized to make arrests without court approval, while the same government boasted about having removed the army's security privileges? How does one continue to accept as a legitimate partner a government that openly declares that it no longer recognizes the decisions of the European Parliament and no longer complies with the international treaties it has signed? What kind of democracy exists in a country where the media are forced into silence – where journalists are fired or driven to self-censorship for fear of losing their jobs, and the Turkish people are forced to watch international news channels to monitor events taking place in their own country? In what lawful country do the police arrest lawyers protesting peacefully inside the courthouse and take into custody doctors treating men and women injured in clashes with the police? What legitimacy can this government still have when on Sunday, June 16, it prevents by extreme force the gathering of protesters in Taksim, while the mayor of Istanbul massively mobilizes free transport to get AKP supporters to the meeting of their leader?

 

Because of Erdoğan’s paranoia, where he sees foreign spies and international conspiracies wherever his people peacefully defend their rights (for example: the claim that beer vendors, Erasmus students, "International Finance", the "Jewish lobby" and the Western media disseminating information on police violence, are all responsible for organizing the protests of hundreds of thousands of people) – the international community must act now. The government of Prime Minister Erdoğan loses legitimacy in every manifestation of police violence and in every violation of international conventions or treaties. All friends of a free and democratic Turkey must work alongside this country’s civil society so that Erdoğan’s vertiginous autocracy does not create another dictatorship in the Middle East.

 

 

 

 

Deniz Akagul, maître de conférences à l’Université de Lille ; Salih Akın, maître de conférences à l’Université de Rouen ; Samim Akgönül, maître de conférences à l’Université de Strasbourg ; Marc Aymes, chargé de cherchées au CNRS ; Faruk Bilici, professeur à l’INALCO ; Isabelle Backouche, maître de conférences à l’EHESS ; Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS ; Etienne Copeaux, historien de Turquie ; Dominique Colas, professeur à l’IEP de Paris ; Pierre Dardot, philosophe ; Yves Déloye, professeur à l’Université Paris 1 ; Vincent Duclert, chercheur à l’EHESS (CESPRA) ; François Georgeon, directeur de recherches au CNRS ; Béatrice Giblin, professeure à l’Université Paris 8 ; Diana Gonzalez, enseignante au Science-Po Paris ; Ragip Ege, professeur à l’Université de Strasbourg ; Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHESS ; Dalita Hacyan, maître de conférences à l’Université de Paris 1 ; Yasemin Inceoğlu, professeure à l’Université de Galatasaray; Christian Laval, professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre ;  Monique de Saint-Martin, directrice d’études à l’EHESS ; Ali Oker, chercheur en psychologie ; Emine Sarikartal, éditrice ; Nora Seni, professeur à l’Université Paris 8 ; Hélène Piralian, psychanalyste ; Alican Tayla, chercheur associé à l’IRIS ; Ferhat Taylan, directeur de programme au CIPH ; Sezin Topçu, chargée de recherche au CNRS ; Murat Yıldızoğlu, professeur à l’Université de Bordeaux.

 

 

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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 09:56

Le vertige autocratique d’Erdoğan

 

Pétition publiée par le journal Libération, vendredi 21 juin 2013, p. 17 (« Rebonds ») Pour signer la pétition, envoyer vos noms et qualités au Groupe international de travail (GIT) « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie » :

 

La nuit du 15 juin 2013 restera dans l’histoire de la Turquie comme le moment d’un basculement tragique, quand les forces de police ont fait preuve d’une violence déchaînée contre les nombreux manifestants pacifiques d’Istanbul.

 

Aux scènes désormais habituelles de nuages de gaz lacrymogènes, de centaines de blessés et de nombreuses arrestations, s’ajoutent maintenant des violations du droit qui ne seraient pas tolérées en état de guerre : le bombardement de gaz dans des espaces fermés, jusque dans les appartements privés et les hôtels touristiques, des hôpitaux pris d’assaut, des centres médicaux mobiles attaqués, des blessés et des médecins arrêtés, des journalistes harcelés, de nombreux cas de brûlures de peau signalés à la suite de l’emploi de substance chimique dans les canons à eau.

 

En plus de cette violence d’Etat, massive et systématique, les manifestations pacifiques sont sous la menace des partisans du parti AKP, prêts au combat de rue, instaurant une ambiance de guerre civile dans les quartiers les plus centraux d’Istanbul. Pourtant, depuis 19 jours, le parc Gezi témoignait d’une expérience singulière de démocratie, où la société civile était présente dans toute sa variété : ainsi, les organisations d’architectes et d’urbanistes qui s’opposaient dès le début à la politique urbaine dévastatrice du Premier ministre Erdoğan et du maire d’Istanbul ont côtoyé les associations d’étudiants ou de féministes, tout comme les habitants mêmes des quartiers populaires menacés de destruction. Il est faux d’affirmer, comme le font certains correspondants de presse, que cette multitude inouïe et populaire ne serait qu’une réaction kémaliste et nationaliste, même si celle-ci a été rejointe par de nombreux groupes d’opposition.

 

Au lieu d’écouter les citoyens protestant avant tout contre sa manière de plus en plus autoritaire de gouverner, demandant tout simplement de participer aux décisions concernant leur espace et mode de vie, Erdoğan a choisi dès le début de les mépriser et de leur forcer la main. Alors que depuis son dernier mandat, l’AKP ne cesse d’attaquer le champ des libertés individuelles et sociales, le Premier ministre préfère la provocation, en qualifiant les manifestants de voyous, d’ivrognes et de terroristes. Or, la société civile manifeste depuis des semaines son indignation envers les violations répétitives de ses droits : le parc Gezi ne fut qu’une étincelle, tant les citoyens de Turquie se sentent ignorés, méprisés et attaqués par le pouvoir actuel, le Premier ministre en tête. La place Taksim interdite aux manifestations politiques et surtout à la célébration du 1er Mai sous prétexte de travaux, les arrestations massives visant à criminaliser toute forme d’opposition, les massacres d’Uludere et de Reyhanlı aucunement élucidés, les principaux droits civiques remis en question (dont le droit à l’avortement), les atteintes multiples à l’environnement, à la culture et à la pluralité des modes de vie avaient déjà créé une atmosphère d’indignation légitime.

 

Refusant un tel climat de répression, les citoyens de la Turquie sont sortis massivement dans la rue et ont affronté sans armes les blindés de la police. Comment qualifier un gouvernement qui a tiré plus de 150 000 grenades de gaz en deux semaines sur ses propres citoyens, blessant plus de 5 000 d’entre eux et en tuant au moins trois, déclarant désormais que tout manifestant allant sur la place Taksim sera tenu pour un terroriste – comme l’a annoncé M. Egemen Bağış, ministre des Affaires européennes – ? Que dire du nouveau projet de loi proposant d’étendre le champ d’action des services secrets qui seraient autorisés à procéder à des arrestations sans l’aval du juge, alors que ce même gouvernement se vantait d’avoir ôté à l’armée ses privilèges sécuritaires ? Comment continuer à prendre comme partenaire légitime un gouvernement qui déclare ouvertement qu’il ne reconnaît plus les décisions du Parlement Européen et qui ne respecte plus les traités internationaux qu’il a signés ?

 

De quelle démocratie parle-t-on dans un pays où les médias sont contraints au silence ; les journalistes tout simplement chassés de leur poste, ou s’infligeant une autocensure de peur de l’être, et les Turcs obligés de regarder les chaînes internationales pour suivre les événements qui se déroulent dans leur propre pays? Dans quel Etat de droit les forces de police arrêtent-elles les avocats contestataires à l’intérieur même du palais de justice et mettent en garde à vue des médecins parce qu’ils ont secouru dans l’urgence hommes et femmes blessés dans les affrontements avec la police ? De quelle légitimité ce gouvernement peut-il encore se prévaloir, lorsqu’il empêche de force, le dimanche 16 juin, le rassemblement des manifestants à Taksim, tandis que la mairie d’Istanbul mobilise massivement ses moyens de transport pour amener gratuitement les partisans de l’AKP au meeting de leur chef ?

 

Face à la paranoïa de M. Erdoğan qui voit des espions étrangers et des complots internationaux partout où son peuple défend pacifiquement ses droits (les vendeurs de bière, les étudiants Erasmus, la « finance internationale », le « lobby juif » et les médias occidentaux qui diffusent librement les informations concernant la violence policière seraient responsables d’organiser les manifestations de centaines de milliers de personnes,), la communauté internationale doit agir sans tarder. Le gouvernement de M. Erdoğan perd de sa légitimité à chaque manifestation de la violence policière, à chaque violation des conventions ou des traités internationaux. Tous les amis de la Turquie libre et démocratique doivent agir aux côtés de la société civile de ce pays pour que le vertige autocratique d’Erdoğan n’engendre pas une dictature de plus au Moyen Orient.

 

 

The night of June 15, 2013, when the police showed a raging violence against the many peaceful demonstrators in Istanbul, will go down in Turkey’s history as a tragic tipping point.

 

The repeated scenes of tear gas clouds, thousands injured and numerous arrests, have now been added to recent law violations that would not be tolerated in a state of war: the bombardment of gas in enclosed spaces, such as private apartments and tourist hotels; hospitals and mobile medical centers attacked, in addition to injured and arrested doctors; journalists harassed; and many reported cases of skin burns following the use of chemical agents in water cannons.

 

Along with this massive and systematic state violence, peaceful demonstrations were threatened by armed supporters of the AKP party who engaged in street-fighting, thereby establishing an atmosphere of civil war in the most central districts of Istanbul. And yet, for 19 days, Gezi Park showed a remarkable experience of democracy where civil society was present in all its variety: organizations of architects and planners who were early opposers of the devastating urban politics of Prime Minister Erdoğan and the mayor of Istanbul rubbed shoulders with student associations, feminists, as well as working class people in the neighborhoods threatened with destruction. It is false to claim, as some press correspondents have done, that this large, unprecedented response by such a multitude of people is only a revolt of Kemalist and extreme nationalist groups, despite the fact that numerous opposition groups joined the cause.

 

Rather than hearing the citizens’ protest – a plea to participate in decisions regarding their space and way of life and a rejection of the government’s increasingly authoritarian way of ruling – Erdogan chose to disregard them and to force their hand. Since its last term, the AKP has continued to attack the scope of individual and social freedoms, and the Prime Minister has preferred to engage in provocation by calling the protesters thugs, drunks and terrorists. However, the civil society has established for weeks its indignation at the recurring violations of its rights: Gezi Park was the breaking point after a long period during which the citizens of Turkey have felt ignored, scorned and attacked by the current government with its Prime Minister at the head. Political demonstrations, especially the celebration of May 1st, were prohibited in Taksim Square under the pretext of renovation work, mass arrests have been carried out in order to criminalize any kind of opposition, the Uludere and Reyhanlı massacres have not been elucidated, major civil rights have been questioned (including the right to abortion), multiple damage to the environment, culture and diversity of lifestyle choices have created an atmosphere of legitimate indignation.

 

In a rejection of this climate of repression, the citizens of Turkey, unarmed, came out massively in the street and confronted armored police. In response to the government’s reaction to this event, we ask: How does one legitimize a government who has launched in a period of two weeks more than 150,000 gas grenades on its own people, injuring more than 5,000 of them and killing at least three, and who is now stating that any demonstrator found in the Taksim Square will be held as a terrorist - as announced by Mr Egemen Bağış, Minister for European Affairs? How is a government legitimate with a new bill proposing to extend the scope of the secret services who are already authorized to make arrests without court approval, while the same government boasted about having removed the army's security privileges? How does one continue to accept as a legitimate partner a government that openly declares that it no longer recognizes the decisions of the European Parliament and no longer complies with the international treaties it has signed?

 

What kind of democracy exists in a country where the media are forced into silence – where journalists are fired or driven to self-censorship for fear of losing their jobs, and the Turkish people are forced to watch international news channels to monitor events taking place in their own country? In what lawful country do the police arrest lawyers protesting peacefully inside the courthouse and take into custody doctors treating men and women injured in clashes with the police? What legitimacy can this government still have when on Sunday, June 16, it prevents by extreme force the gathering of protesters in Taksim, while the mayor of Istanbul massively mobilizes free transport to get AKP supporters to the meeting of their leader? Because of Erdoğan’s paranoia, where he sees foreign spies and international conspiracies wherever his people peacefully defend their rights (for example: the claim that beer vendors, Erasmus students, "International Finance", the "Jewish lobby" and the Western media disseminating information on police violence, are all responsible for organizing the protests of hundreds of thousands of people) – the international community must act now. The government of Prime Minister Erdoğan loses legitimacy in every manifestation of police violence and in every violation of international conventions or treaties. All friends of a free and democratic Turkey must work alongside this country’s civil society so that Erdoğan’s vertiginous autocracy does not create another dictatorship in the Middle East.

 

Deniz Akagul, maître de conférences à l’Université de Lille ; Salih Akın, maître de conférences à l’Université de Rouen ; Samim Akgönül, maître de conférences à l’Université de Strasbourg ; Marc Aymes, chargé de cherchées au CNRS ; Faruk Bilici, professeur à l’INALCO ; Isabelle Backouche, maître de conférences à l’EHESS ; Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS ; Etienne Copeaux, historien de Turquie ; Dominique Colas, professeur à l’IEP de Paris ; Pierre Dardot, philosophe ; Yves Déloye, professeur à l’Université Paris 1 ; Vincent Duclert, chercheur à l’EHESS (CESPRA) ; François Georgeon, directeur de recherches au CNRS ; Béatrice Giblin, professeure à l’Université Paris 8 ; Diana Gonzalez, enseignante au Science-Po Paris ; Ragip Ege, professeur à l’Université de Strasbourg ; Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHESS ; Dalita Hacyan, maître de conférences à l’Université de Paris 1 ; Yasemin Inceoğlu, professeure à l’Université de Galatasaray; Christian Laval, professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre ; Monique de Saint-Martin, directrice d’études à l’EHESS ; Ali Oker, chercheur en psychologie ; Emine Sarikartal, éditrice ; Nora Seni, professeur à l’Université Paris 8 ; Hélène Piralian, psychanalyste ; Alican Tayla, chercheur associé à l’IRIS ; Ferhat Taylan, directeur de programme au CIPH ; Sezin Topçu, chargée de recherche au CNRS ; Murat Yıldızoğlu, professeur à l’Université de Bordeaux.

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 18:11

Le premier ministre turc a-t-il gagné contre une protestation morale ?

publié par Le Monde, 17 juin 2013 (http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/17/le-premier-ministre-turc-a-t-il-gagne-contre-une-protestation-morale_3431516_3232.html )


La question de la réalité de la victoire remportée par le Premier ministre Erdoğan durant la nuit du 15 juin à Istanbul, mérite d’être posée. Certes, tout concoure à le déclarer vainqueur d’une épreuve de force sans précédent en Turquie depuis le coup d’Etat militaire de 1980. Il a mis fin à l’occupation du jardin Gezi, au cœur d’Istanbul, que lui-même, son gouvernement et son parti AKP ont déclarée illégale. Il a permis à la police, usant d’une violence extrême, de blesser et d’arrêter des milliers de contestataires de son pouvoir. Il a galvanisé ses partisans qu’il avait auparavant réunis dans un grand meeting, samedi après-midi à Ankara, promettant la fin des manifestations à Istanbul.

Soucieux aussi de la prospérité économique qui constitue, avec la religion, le credo de son pouvoir et de son populisme, Erdoğan s’est employé à montrer le visage du retour au calme, à la loi et à la sécurité dans la grande capitale touristique de Turquie. Les projets de caserne ottomane et de centre commercial à la place du jardin Gezi, d’où est parti le mouvement, ne sont pas seulement destinés aux nouvelles couches de la petite bourgeoisie urbaine profitant pleinement des mesures économiques de l’AKP. Ils devaient donner une image rassurante et aseptisée d’une ville souvent jugée sale et anarchique par ses nombreux visiteurs occidentaux.

L’image du dirigeant implacable, déterminé à imposer la légalité après une négociation en trompe-l’œil avec quelques représentants du mouvement d’occupation, a été recherchée, dans l’idée qu’une telle posture replacerait la Turquie dans son statut de pôle de stabilité et de démocratie, devant l’Europe et aux portes de la guerre civile syrienne. « La Turquie est une démocratie de première classe », déclarait ainsi, le 13 juin, le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoğlu en réponse aux mises en cause des députés européens  dénonçant le « recours excessif à la force ».

La proportionnalité du maintien de l’ordre est cependant l’un des critères de la démocratie dans le monde et, sur ce point, la Turquie n’est plus en « première classe ». Tous les témoignages recueillis sur la nuit de terreur que vient de connaître Istanbul convergent. Non seulement le Gezi Parc a été investi et « nettoyé » à l’issue d’un assaut disproportionné, mais de surcroît la police a choisi d’effrayer tous ceux qui, de près ou de loin, se sont solidarisés avec le mouvement. Les faits sont avérés, notamment sur les réseaux sociaux qui communiquent les informations en temps réel : tirs tendus de grenades lacrymogènes et saturation de l’espace urbains par les gaz, emploi d’acide dans les canons à eau, attaques des équipes médicales et des centres de secours, rafle des médecins et des blessés dans les hôpitaux, persécution des journalistes et destruction des caméras, …  Les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations massives dont le nombre est actuellement impossible à estimer. Les interpellés sont sous le coup de l’arbitraire policier. Leur libération ne les mettra pas à l’abri de l’arbitraire judiciaire puisqu’ils pourront être poursuivis en vertu de la loi anti-terreur, pour « appartenance à des organisations illégales ». Le gouvernement a décidé d’élargir le périmètre déjà considérable de cette législation d’exception aux manifestants de Taksim et d’autoriser les services secrets à la pratique des arrestations extra-judiciaires. Ajoutée à l’arrivée de la gendarmerie à Istanbul, l’application de la loi anti-terreur placerait de fait la ville en état de siège. 

La stratégie du pouvoir est donc d’instaurer un climat de peur, que l’on peut qualifier, au vu des événements de la nuit, de terreur. Cette politique de l’intimidation légale caractérise ce gouvernement depuis le « tournant liberticide » de 2010-2011 (Le Monde, 11 novembre 2011). Elle a semblé lui réussir jusque-là. Mais le principal enseignement des dix-neuf jours de défi à l’autoritarisme de l’AKP, c’est de constater que la peur a quitté le camp de ses opposants, que l’opposition est devenue un honneur et une conscience. L’importante documentation accumulée sur le mouvement fédéré par l’occupation du Gezi Parc a montré qu’il n’y avait ni « vandales » ni « terroristes », que les revendications visaient la défense de la liberté individuelle et des libertés publiques, la libre expression dans un pays aux médias de plus en plus contrôlés par l’AKP, le libre choix des comportements privés comme la consommation d’alcool ou l’éducation, le droit à la dignité individuelle et à la pensée critique, etc.  Cette fierté retrouvée, notamment de la jeunesse très présente dans le mouvement, est intolérable pour le pouvoir islamiste. Au travers de la police, véritable force armée aux mains du gouvernement, ce ne sont pas seulement les occupants du Gezi Parc et de la place Taksim qui ont été frappés. Ce sont tous les quartiers environnants, souvent aisés mais où règnent surtout de la mixité sociale et de la tolérance culturelle, qui ont été punis.

Le gouvernement islamo-conservateur a opté pour la répression massive du mouvement, sa stigmatisation (il s’agirait de forces « venues de l’étranger »), sa criminalisation. C’est une stratégie dont les conséquences pourraient se révéler pour lui désastreuses à long terme. Plusieurs raisons le laissent penser. La contestation est maintenant identifiée à des acteurs sociaux jeunes et éduqués qui se sont donné, avec un mouvement de protestation fondamentalement moral et civique, les idéaux qui manquaient à une Turquie libérale écrasée sous la puissance de l’idéologie islamo-conservatrice. Une analyse inspirée de Gramsci soulignerait le pouvoir intellectuel conquis par les démocrates du Gezi et leur force de conviction relayée dans une partie de la société. L’ampleur de la répression ajoute une dimension héroïque à cette foi démocratique.  

Une autre menace pèse désormais sur le gouvernement Erdoğan, celle d’enquêtes internationales indépendantes qui ne vont pas cesser de se multiplier sur les violences policières et que permettent déjà de documenter les nombreux témoignages diffusés sur les réseaux et les plates-formes d’information. La Turquie islamiste ne pourra maintenir indéfiniment le cordon sanitaire qui sépare l’internationalisation de son économie et l’ultra-nationalisme de sa politique. Déjà le Financial Times rapporte sans concession les violences de cette nuit. Outre le risque d’actions pénales internationales si les faits de répression les plus dramatiques sont avérés (violation de protocoles de la Convention de Genève sur les conflits armés), le gouvernement AKP pourrait se voir identifié à une tyrannie policière exclusive, facteur d’instabilité pour toute la région. L’économie, le tourisme et toute l’ambition diplomatique de la Turquie s’en trouveraient ruinés.

Enfin, la haute affirmation de la démocratie dans un pays à majorité musulmane et la résistance à la violence islamiste seront, sans nul doute, dans les prochains jours, sources de nombreuses analyses.

Vincent Duclert, historien, chercheur à l’EHESS (CESPRA), auteur de L’Europe a-t-elle besoin des intellectuels turcs ? (Armand Colin, 2010, traduction turque 2012).  

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 18:09

Dimanche16/06, vers 16h30

 

De plus amples détails à propos d'hier soir (15 juin) et d'aujourd'hui: nous savons que la police est entrée dans les services d'urgences de plusieurs hôpitaux pour arrêter les personnes présentes, beaucoup y ont été frappés (en plus du Divan Otel près du parc, d'autres hôtels ont été envahis par la police) ; de nouvelles substances chimiques ont  été utilisées (l'eau des canons aspergée sur la foule, de couleur rouge,  contient des substances brûlant la peau au travers des vêtements; les gazs lacrymo  sont aussi de plus en plus violents) ; les violences, arrestations en masse n' arrêtent pas depuis 21h00 hier soir et il est difficile pour chacun d'entre nous de sortir des endroits où nous sommes. 

J'étais hier soir au parc et sur l'avenue principale jusqu'à 20h00/20h15, l'atmosphère était bon enfant, ressemblant plus à une kermesse qu'à autre chose, le parc et les environs étaient bondés de monde, familles avec enfants, landaus, jeunes et vieux, touristes etc.... Ca a complètement basculé un peu avant 21h00 avec l'arrivée de la police dans le parc et sur la place avec forces de l'ordre et bulldozers. 

Maintenant à l'heure où je vous écris (du quartier de Tophane),  les violences continuent, combats d'Osmanbey à Taksim (centre ville côté européen) entre manifestants et police, manifestations dans le centre ville et dans le quartier de Besiktas, les gens depuis l'aube, par flux, se dirigent  vers le centre ville de Taksim, totalement bouclé et vers Besiktas. On peut aussi voir de nos fenêtres, un flot de bateaux aux fanions de l'AKP sur le Bosphore, débordant de partisans; c’est en ce moment que se tient leur rassemblement et les affrontements avec les contestataires du Gezi park et tous ceux qui dénoncent toutes les violences, vont sans doute avoir lieu. Les rues sont toujours pleines d'effluves de gaz lacrymogènes et il y en a tant que nous sommes obligés de fermer les fenêtres des différents lieux où je passe.

Quelques médias ici comme Halk tv diffusent les infos du moment mais beaucoup comme Ulusal tv ont l'électricité coupée afin sans doute de les empêcher de diffuser les infos en tant réel. 


Lundi 17 juin, vers 2h00 du matin

Depuis que je vous ai écrit cet après-midi, voici de nouveaux faits (nouveaux si on peut dire car ils sont vite dépassés, tout allant si vite).

L'immeuble du parti CHP à Sishane  a été attaqué par des  partisans de l’AKP sans doute.

 

Des groupes de civils venant des quartiers de Kasimpasa et de  Tophane s'en sont pris  aux contestataires du Gezi Park ; certains de ces groupes étaient armés de gourdins et attaquaient  des insurgés qui essayaient de construire une barricade dans le quartier de Tepebasi. Les assaillants se sont  faits ensuite plus nombreux et  se sont dirigés vers Taksim. La police est restée en retrait et n'est pas intervenue contre eux. Ils étaient également armés de ceintures, de pierres qu'ils jetaient autour d'eux. 

 

Des distributions de couteaux dans la rue ont été vues (information confirmée par quelqu'un de notre connaissance qui en a été témoin à Tophane)

 

La police est entrée dans de nombreux immeubles pour chercher les contestataires qui s'y seraient réfugiés; on parle même d'entrée dans des appartements de particuliers (info à vérifier et confirmer)

 

J'ai assisté dans le quartier de Galata à des engueulades entre habitants, des femmes aux balcons et à la porte d'un immeuble,  qui se mettaient en colère contre les contestataires présent(e)s dans la rue, leur reprochant de troubler l'ordre et le calme, arguant le fait que cela terrorisait aussi leurs enfants. Cela a bien duré 15minutes. Quelques instants plus tard (je ne sais plus s'il s'agit de quelques minutes ou plus) on a vu au bout de la rue des policiers arriver, nous sommes donc tous rentrés dare-dare dans le café devant lequel nous étions, en fermant porte, lumière et en faisant silence total; cela a duré quelques minutes, il ne s'est "rien" passé, on est revenus dans la rue où la police n'était plus, n'ayant rien tenté à ce moment-là.

Difficile de savoir si les engueulades et l'arrivée de la police sont 2 faits liés mais disons que l'enchaînement a été troublant et confirmant le sentiment d'un climat délétère.

Je tiens à dire qu'il y a cependant une merveilleuse solidarité, nombre de cafés et d'autres boutiques ouvrent leur lieu pour abriter les gens, pour les réconforter, leur donner des soins si besoin; idem chez beaucoup de particuliers,  ouvrant à des inconnus les portes de leur immeuble et appartements, proposant mêmes de dormir chez eux.

Tous les quartiers autour du centre, de Cihangir à Tophane, Galata, Tünel ont encore été sous les gaz, affrontements, contrôles de police et arrestations toute la soirée. A l'heure qu'il est, je ne sais pas où ça en est; de l'immeuble où je me trouve, nous entendions en continu les clameurs des manifestations;  vers 23h30 des détonations très fortes ont retenti; ensuite, plus rien, plus un bruit (information rajoutée le 17 juin après-midi: j'ai appris depuis que les gazs se faisaient toujours sentir fortement du côté de Tünel, le bout de la grande avenue Istiklal, vers 2h00 du matin aujourd'hui)
 

Je vous tiendrai au courant. Merci de vous tenir informés et d'aller autant que vous pouvez aux rassemblements contre toutes ces violences, dans les capitales et villes où vous habitez.

Merci aussi de diffuser tout cela à un maximum de gens (les faits, les rassemblements dans vos villes et régions, les actions de soutien possibles) 

 

Lundi 17 juin 17h00
Retour à la normale. Matinée et après-midi sans traces dans le centre ville (côté européen), comme si rien ne s'était passé la veille. Circulation normale, avenue principale sans dégats particuliers, cafés, restaurants, commerces ouverts, du monde dans les rues et gens détendus. Apparemment. Des appels à manifestations et défilés des syndicats en grève (Kesk et Disk) sont prévus du côté de Taxim, Besiktas et peut-être d'autres points, que j'ignore encore. Des bruits circulent (tout de même) concernant la dangerosité estimée dans les alentours de Taxim. Police, gendarmes et ceux qui les soutiennent sont annoncés au rendez-vous. Les arrestations, brutalités, gaz lacrymo aussi.
L'alternance des "ambiances" commencent à devenir monnaie courante pour tout un chacun ici, atmosphère schizophrène à laquelle on "s'habitue" depuis le 29 mai, quand les premières tentes ont été brulées dans le parc au petit matin et n'ont pas empêché les gens d'y revenir, bien au contraire.....
La tension a bien sûr évolué, au rythme de la violence grandissante. Violence encore accrue depuis que des civils commencent à se joindre aux forces de l'ordre pour attaquer les autres (civils).
A suivre, sans doute et si on peut dire.....

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 01:28

Pour d’autres informations (en anglais), se rendre sur le site de GIT Initiative en passant par un moteur de recherche (les liens ci-contre sont devenus inopérants…)

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 01:21

De nombreux témoignages font état de descentes de police dans le quartier de Cihangir, situé à l’opposé du parc Gezi depuis la place Taksim. Il s’agit de frapper ceux qui, potentiellement, auraient pu se trouver parmi les manifestants. La police arrête des personnes dans les appartements, ou lancent des grenades lacrymogènes par les fenêtres. Des militants de l’AKP pourchassent des personnes isolées, les frappent, les jettent à terre, avec la complicité de la police, omniprésente. Des résidents filment les scènes et les postent sur facebook.

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 00:49
Signalé par “Turquie européenne”
Témoignage de Defne Gürsoy, journaliste-écrivaine, correspondante du quotidien Birgün en France.
"TOUT A BASCULE A TAKSIM HIER SOIR.
Hier soir la guerre a été déclenchée par la police, je suis un témoin direct puisque j'étais sur place. La violence démesurée e de la police a fait des centaines de blessés, le parc a été évacué de force avec gaz, jet d'eau contenant des produits chimiques causant des brulures sur la peau, les balles en plastiques ont blessés des dizaines de personnes, dont une femme enceinte. Par ailleurs, des grenades cataplexiantes (incapacitantes) ont semé la terreur dans tout le quartier. L'intervention a eu lieu alors qu'il n'y avait aucune manifestation, aucun rassemblement ni dans le parc Gezi, ni sur la place. C'était un samedi ordinaire et les habitants étaient venus avec leurs enfants pour prendre l'air dans ce parc. Cette intervention a été faite hier à partir de 19h40 alors que la Plateforme de Taksim avait annoncé à 11h00 le retrait pacifique des occupants du parc dès lundi. Les affrontements ont duré jusqu'au petit matin, j'étais coincé entre les barricades et la police. Je me suis réfugiée dans un passage commerçant, la police a même lancé le gaz à l'intérieur de tous ces passages où les gens s'étaient réfugiés. J'ai été gazée, et j'ai vu des gens tomber comme des mouches sur la rue Istiklal. Des milliers ont afflué de tous les quartiers d'Istanbul pour venir en soutien à Gezi Park et les manifestants. La municipalité a annulé tous les transports en commun dès 11h00 pour empêcher cela mais les gens sont passés de la rive asiatique en marchant sur les ponts du Bosphore. La police a gazé ces gens à pied sur le pont même, sans leur laisser une issue de sortie, sauf peut -être de se jeter par le pont. Les hôtels qui ont accueilli les gens blessés ont été gazés de l'intérieur. Les touristes ont accueilli les blessés dans leur chambre d'hôtel mais ont subi également les violences car les halls d’entrée et les réceptions, transformés en centre de soins médicaux, de ces hôtels ont été attaqués par la police. Ceci est un crime contre l'humanité, du jamais vu même dans les pays avec des régimes les plus répressifs.
Toute cette violence n'a pas arrêté le peuple qui s'est regroupé dans chaque quartier. Nous ne connaissons pas exactement le nombre de blessés, mais nous savons qu'il y a plusieurs blessés dans un état grave, nous en sauront plus dans quelques heures.
Des centaines de gens blessés n'ont pas pu recevoir de soins médicaux car les forcesde l'ordre ont interdit l'accès des ambulances à Taksim. Aujourd'hui, Erdogan tient un meeting à Istanbul avec ses supporters, qu'il n'hésitera sans doute pas à lâcher contre les résistants.
Les habitants des 70 villes du pays sont dans la rue aujourd'hui pour protester.
Des dizaines de milliers sont en train de marcher vers la place Taksim. La violence du pouvoir actuel contre ses citoyens doit être arrêtée au plus vite.

Je vous demande de divulguer le message partout où vous pouvez. C'est vraiment très grave et cela va sans doute continuer. La désinformation du pouvoir ne doit pas être relayée par les médias européens mais la vérité doit être entendue partout dans le monde.  Merci à tous de faire en sorte que l'information circule le plus vite et largement possible.
Ce dimanche 16 juin, nous nous attendons malheureusement à la suite des violences.
Defne Gursoy

 

Istanbul, 16 juin 2013, 11h00 (heure locale)"
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L'initiative GIT

GIT France est la branche française du

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« Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie », une initiative internationale d’universitaires, de chercheurs, d’étudiants, de traducteurs et d’éditeurs née à Paris le 21 novembre 2011

 

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